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Ambassade de France en Chine par SAREA Alain Sarfati Architecture

Dessiner l’image de la France en Chine, telle fut la mission confiée à l’agence d’Alain Sarfati suite au concours lancé en 2004 par le Ministère des Affaires Etrangères qui l’a opposé à Jacques Ferrier Architectures, Jean-Paul Viguier Architecture et Paul Andreu Architecte.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-14© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Ouvert depuis le 28 octobre, le bâtiment s’installe en périphérie de la capitale chinoise, côtoyant ainsi les autres ambassades. Proche du troisième périphérique à Liangmaqiao menant à l’aéroport, l’ambassade de France marque l’entrée de ce nouveau quartier dont les lignes sont majoritairement verticales.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-23© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

La façade courbée de la tour épouse le vent d’hiver, ce n’est pas sans rappel aux mots que l’ambassadeur avait prononcé lors de l’accueil des architectes, « Ici, la lumière est différente, il faudra compter avec les vents de sables et la poussière… ». Ainsi ses pans font glisser le vent et donne un côté aérodynamique au projet. Cette cheminée thermique s’ouvre et se referme au gré de la température en partie haute et basse par des vantelles mobiles. Le verre serigraphié est posé sur une structure hyperstatique en acier tubulaire de 89 mm de diamètre. À l’origine, cette structure devait être suspendue à l’édifice, pour des raisons d’ordre plastique, elle a été modifiée contraignant les ouvriers à des soudures plus délicates. Le verre (10+pvb+8) est quant à lui découpé en losange, courbé et trempé puis sérigraphié, afin de le protéger des avaries, l’emaile a été mise en partie interne.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-24© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

L’extérieur du bâtiment est sombre, fermé ; la cours est à l’opposé ouverte et claire. Ces jeux d’oppositions se retrouvent sans cesse dans la conception de l’édifice, l’architecte le dit lui-même. Cette ambassade se veut dynamique, à l’image de l’économie du pays, le bandeau de lamelles de la façade principale en est une belle illustration, les lignes filles sans interruption comme un train lancé sur ces rails. Une fois franchi le corridor extérieur faisant office de tampon entre les salles de réception et le jardin, l’atmosphère est détendu. L’aménagement intérieur repose sur les principes chinois ce qui confère une atmosphère propice à la discussion.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-5© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Le bâtiment suit un plan carré qui renferme un jardin de Florence Mercier, trois de ses côtés constitue l’ambassade, le dernier est dédié à des expositions temporaires séparés par des serres en guise de jardin d’hiver. Ensuite l’ensemble des salles de réception sont plein pieds, ouvertes sur le jardin. La chancellerie et le consulat se loge à l’angle du carrefour et donne son envol au bâtiment.

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La tour, qui selon les normes chinoises est considérée en tant que IGH, se couvre d’un voile doré qui symbolise toute la noblesse de ce lieu qui héberge l’ambassadeur. L’architecte joue de l’enveloppe, si les pare-soleil suivent les lignes horizontales en façades, ils s’inclinent à l’angle en oubliant toute idée de niveau. Cette tour se détache de l’unité du socle grâce à un bandeau vitré en retrait de façade.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

La Chine a ses particularités, les constructions doivent s’opérer en collaboration avec un institut de l’Etat en l’occurrence le BIAD (Beijing Institut of Architactural Design), qu’en au suivi des travaux, il a été mené par Christian Prouvost d’AES Holding International. Le projet a donné du fil à retordre aux ingénieurs, en effet l’ambassade est située sur un terrain en zone inondable qui connait des hivers froid et sec et des étés chauds et humides dans une zone sismique très élevé.

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La Chine a également ses règles constructives, écrites ou non, que l’Institut renseigne tout au long du chantier, en matière d’énergie, le bureau d’ingénierie Ginger a suivi la RT 2000 (la RT2005 n’était pas en vigueur à ce moment-là).

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-15© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Malgré le raccord au réseau de chauffage urbain, l’équipe de maîtrise d’oeuvre a préféré installer une chaudière au fioul domestique pour l’ECS par précaution contre la légionellose due à la baisse de température de ce réseau en été. Initialement prévue avec une alimentation au gaz, l’équipe a du se résoudre à cause de la capacité du réseau urbain, puis de réglementation locale. L’architecte, Alain Sarfati a répondu à quelques questions.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-19© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Kévin Poireau : Que représente pour vous une ambassade ?

Alain Sarfati : L’opportunité de remettre l’architecture au centre de la culture. En faire un objet de débat et un objet d’intérêt au sens large. Si l’architecture peut être ambassadrice, elle retrouve toutes ses lettres de noblesse. Alors, l’architecture répond à une attente plus large du public, qui ne se satisfait pas d’objets dont seule l’étrangeté les rend médiatiques.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-16 © ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Kévin Poireau : Comment qualifiez-vous le fait d’être un représentant, à travers votre projet, de la France en Chine ? C’est certes un honneur pour vous mais également une pression, une mise en avant et sujet de nombreuses critiques du fait de la fonction du bâtiment ?

Alain Sarfati : Un architecte est toujours soumis à la critique des utilisateurs et du public au sens large. L’ambassade revêt une dimension emblématique et doit, de ce fait, répondre à toutes les attentes et à toutes les exigences, fonctionnelles et techniques d’un côté et culturelles de l’autre. C’est cette dimension qui confère à ce programme son importance et sa spécificité. Le projet affirme haut et fort qu’il y a une architecture française et qu’elle est ambassadrice, et capable d’accueillir une culture chinoise. L’architecture est ambassadrice de sa propre culture mais aussi de la culture de l’autre en étant également capable d’accueillir le pays d’accueil.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-21© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Kévin P. : Outre le fait de répondre à la question de « qu’est-ce que l’architecture française ». On peut également se demander qu’elle doit être la part d’architecture chinoise dans cette ambassade. Les résidents français en Chine ont une proximité avec la culture chinoise, comment l’avez-vous traduite dans votre projet ?

Alain Sarfati : L’ambassade de France à Pékin a vocation à représenter la France, toutefois la question posée concerne toute réalisation. En quoi le projet prend-t-il en compte le lieu, le climat, le contexte au sens large. Cette question est actuelle lorsque l’on s’intéresse au développement durable et lorsque l’on souhaite que l’architecture soit en toute circonstance ambassadrice : représentation emblématique attachée à une dimension symbolique porteuse de sens et attentive au territoire d’accueil. C’est la démonstration de ce que l’architecture ne peut pas être n’importe quoi, n’importe où comme l’imaginait le « mouvement moderne », une pensée qui favorise l’autonomie de l’architecture. La beauté est aussi dans la capacité à produire du sens, du lien. La seule prise en compte de l’orientation marque la différence. L’appartement de l’ambassadeur est orienté au Sud comme il se doit en Chine. En France, sa résidence eut été orientée à l’Ouest. Pour le reste, dans la manière même de concevoir l’espace comme un « système fluide », il y a autant d’attention à la culture chinoise qu’à la culture française. C’est vrai de la différence de traitement entre les deux halls, c’est vrai de l’utilisation permanente de deux pierres, deux bois, du noir et blanc ou des RAL 1035 et RAL 1036. La tension est un mécanisme plastique qui court tout au long du bâtiment. Ce principe évoque le Yin et le Yang comme on retrouvera dans les circulations, le principe du Feng Shui qui confère au bâtiment sa dimension chinoise dans son atmosphère et dans son esprit plutôt que dans des éléments de formes.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-30© ADAGP – Photographe Noëlle Hoeppe

Kévin Poireau : Dans le choix de vos matériaux, vous êtes-vous attachez à utiliser des matériaux typiquement français ou des matériaux universel voir chinois ? Quelle importance avez-vous eu dans le choix des matériaux ?

Alain Sarfati : Le choix des pierres, des bois, des couleurs a été guidé par les lieux où ils seraient disposés pour atteindre à l’universel. Leur provenance devient de peu d’importance dès que leur utilisation est construite dans une perspective particulière : celle des tensions. Afin de matérialiser symboliquement la cohabitation de la culture chinoise et de la culture française, du Yin et du Yang, du noir et du blanc et de pouvoir organiser les tensions et juxtapositions, deux jeux de matériaux ont été systématiquement choisis. Pour le bois : chêne traité foncé pour la Chine et hêtre clair pour la France. Pour la pierre : le granit gris foncé qui évoque le Palais de la Cité interdite, la pierre calcaire utilisée dans certaines villes françaises. Le choix des deux ors, le RAL 1035 et le RAL 1036, participe de la même idée. La provenance des matériaux est locale.

ambassade-de-france-pekin-alain-sarfati-32© SAREA Alain Sarfati Architecture
 
  • Maître d’oeuvre : SAREA Alain Sarfati Architecture
  • Maître d’ouvrage : République française – Ministère des Affaires Etrangères
  • Localisation : 60 Tianze Lu, Chaoyang Distric, Pékin, Chine
  • Chefs de projet : Christian Laquerrière, Ovidiu Milea et Cristiana Milea
  • Architectes assistants : Ewina Chau, Jitka Darras
  • BET : Sechaud & Bossuyt (Groupe Ginger)
  • Institut du design : BIAD (Beijing Institute of Architectural Design)
  • Paysagiste : Florence Mercier
  • Conduite de travaux : Christian Prouvost (AES)
  • 1% artistique : Jean-Bernard Metais, Vincent Lamouroux
  • Entreprise Général : BCEG (Beijing Construction and Engineering Group)
  • Consultant façade : Bernard Viry, Nicolas Godelet
  • Décoration : Service décoration du SIMAE
  • Date de concours : 2004
  • Date de livraison : 28 octobre 2011
  • SHON : 19 500 m²
  • Budget : 24 000 000 € HT
  • Photographe : Noëlle Hoeppe

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